Articles

La gestion de l’eau dans les usines de papier

La pression sur l’approvisionnement en eau ne cesse de s’accroître ; une tendance qu’on ne peut s’attendre qu’elle régresse vu la progression de la population de la planète (et ses besoins). Face à ce problème, la prise de conscience des consommateurs et le besoin croissant de réduire les coûts chez les producteurs poussent l’industrie du papier à adopter des techniques plus durables afin de satisfaire les besoins des clients et réduire les coûts de production. Une étude récente de l’industrie réalisée par M. Matt Elhardt, Vice-Président du Développement Commercial du Fisher International Inc., une firme d’experts-conseils en intelligence économique, s’attaqua à souligner les mesures d’efficacité hydrique et la réponse de l’industrie aux préoccupations croissantes relatives à la pénurie d’eau.

Selon l’étude de M. Elhardt, les industries du papier telles que l’Imprimerie et l’Écriture (I&É) et le journal sont sur les graphiques de consommation d’eau comparés aux autres catégories, consommant en moyen plus de 9 millions de gallons par jour (MMPJ), avec l’industrie de la pâte commerciale affichant une consommation énorme qui s’élève à plus 17,5 MMPJ (voir la figure 1).

Figure 1 - Utilisation d’eau par industrie - Globalement, les tissues utilisent en moyenne moins d’eau lors du processus

Notamment, les industries du papier au Moyen-Orient et en Afrique sont les plus petits consommateurs d’eau du monde, ce qui n’a pas échappé à M. Elhardt, pétition de principe, la nécessité est-ce la mère de l’invention? Il existe certainement une corrélation entre la disponibilité de l’eau et l’urgence d’utiliser des techniques et des équipements de production économe en eau. Comme on pouvait s’y attendre, l’industrie du papier en Amérique du Nord est le plus grand consommateur d’eau au monde. Réellement, les usines intégrées vierges américaines utilisent près de quatre à dix fois le volume d’eau par rapport à leurs homologues en Chine et Allemagne. Même les usines de pâtes recyclées intégrées aux États-Unis utilisent beaucoup plus d’eau que les usines identiques en Europe ou en Chine (voir la figure 2).

Figure 2 – Consommation moyenne d’eau dans les pays développés - Les usines intégrées vierges aux États-Unis utilisent beaucoup plus d’eau que les usines identiques en Europe ou en Chine

Une tendance similaire est observée avec les fabriques de tissues non intégrées allemandes qui utilisent un cinquième de l’eau utilisée dans les usines américaines (voir la figure 3). Cette question est indépendante de l’âge de l’équipement usagé, car les machines des deux pays ont un âge similaire (entre 23 et 27 ans). En comparaison, la machinerie utilisée dans les fabriques de tissues non intégrés en Chine est plus récente (âge moyen de 3 ans), fonctionne sur des sites plus récents (l’année moyenne d’établissement est 2000), et continue d’avoir un taux moyen de consommation d’eau (par tonne de papier) comparable à celui d’Allemagne (voir la figure 4). La différence en efficacité hydrique est également constatée parmi les utilisateurs de technologies avancées car toutes les machines ne sont pas équivalentes. Les différences en consommation d’eau entre les machines de tissue de pointe sont assez évidentes lorsqu’on compare l’utilisation moyenne d’eau des machines en Amérique du Nord aux autres régions du monde (voir la figure 5) ; une fois encore le Moyen-Orient et l’Europe parviennent toujours à surpasser les industries nord-américaines en termes d’efficacité hydrique.

Figure 3 - Comparaison de la consommation d’eau entre les usines allemandes et américaines - Les usines de tissue allemandes non intégrées utilisant le 1/5 de l’eau utilisée par les usines américaines

Figure 4 - Comparaison de l’utilisation de l’eau en termes d’âge de l’équipement - L’Allemagne a beaucoup réduit sa consommation d’eau malgré les âges similaires des machines de tissue Américaines

Figure 5 - Consommation d’eau des nouvelles machines technologiques dans diverses régions - Il existe des différences dans l’utilisation même parmi les machines à tissus de haute technologie

La pression pour conserver l’eau diffère selon l’emplacement ; bien que le modèle européen le montre clairement, la pression n’est peut être pas due à la rareté de l’eau. L’Europe est considérée comme à faible risque d’eau, certains endroits étant considérés comme à très faible risque comme la Scandinavie (voir figures 6 & 7) ; cependant, dans l’ensemble, les papeteries du continent comptent encore parmi les utilisateurs d’eau les plus efficaces au monde. Cette contradiction découle de la tendance naturelle de l’Europe d’être plus soucieuse de l’environnement que les États-Unis, malgré l’intention sincère de ce dernier d’être écologique. Les Européens vivent dans un continent où l’espace se fait rare; ils ont donc dû apprendre très tôt à vivre avec cette conscience accrue de l’impact de l’homme sur la nature. Ainsi, la construction d’énormes installations de traitement d’eau ou des eaux usées est un luxe, et toute considération (ou machinerie) qui peut mener à une réduction de la consommation, est la bienvenue.

Figure 6 - Répartition de la pénurie d’eau dans le monde - La pression pour conserver l’eau dans les usines de papier varie à travers le monde selon le risque hydrique local 

Figure 7 - Indice de pénurie d’eau en Scandinavie - Dans certains régions le risque d’eau est faible (Scandinavie)

A l’autre extrémité du spectre, la manque d’eau est une préoccupation majeure dans d’autres endroits (voir la figure 8). Un exemple frappant de l’effet réel du manque d’eau c’est Tamil Nadu Newsprint and Paper mill, l’une des plus grandes usine de papier à base de bagasse en Asie. En 2017, leurs usines de Pugalur, au Tamil Nadu, ont dû fermer leurs portes en raison de la forte pénurie d’eau. Finalement, ils ont repris leur production normale après une disponibilité d’eau renouvelée, mais l’arrêt de la production signifiait une perte de production d’environ 400 tonnes par jour. Cependant, le prélèvement de 56 millions de litres par jour nécessaire à l’usine crée une pression supplémentaire sur les ressources hydriques de la région, et engendre les protestations des habitants des villages voisins qui luttent pour leurs besoins en eau potable.

Figure 8 - Indice de pénurie d’eau au Nord de L’Inde - Alors que dans d’autres régions, il s’agit d’une préoccupation majeure (Nord de l’Inde)

La situation en Chine voisine est similaire; par rapport à l’Europe, l’Asie-Pacifique et les deux continents américains, la Grande Chine est la plus menacée dans l’ensemble des catégories (voir la figure 9). Il n’est donc pas étonnant que l’étude de Fisher sur l’utilisation d’eau datée 2016 atteste que les objectifs pour l’utilisation d’eau dans les usines ont été augmenté au cours de ces cinq dernières années et qu’ils continueront de l’être à l’avenir. Cela a validé une autre étude présentant des initiatives de réduction de consommation d’eau comme le mandat le plus pressant des gouvernements et des administrations (voir la figure 10).

Figure 9 - Risque de manque d’eau dans les régions - La Grande Chine est la plus menacée parmi les régions

Figure 10 - Mandats des gouvernements ou des administrations en matière d’efficacité hydrique - Réduction de la consommation d’eau, des mandats pour usines des hauts cadres et gouvernements - Des mandats de réduction par les gouvernements ou les administrations

La situation en Afrique est critique; par rapport au Nord du continent, la partie sud souffre déjà d’une pénurie d’eau (voir la figure 11). L’Afrique du Sud est à court d’eau. La crise de l’eau au Cap a fait les manchettes mondiales et de nombreux reportages ont mentionné la surexploitation des réserves naturelles d’eau. Depuis 2016, la ville du Cap a réduit sa consommation d’eau de 50 %.

Trouver la raison qui sous-tend l’intérêt croissant pour les mesures de conservation de l’eau revient à se demander qui de la poule ou de l’œuf apparut le premier. Que ce soit l’intérêt accru des consommateurs pour la conservation de l’eau ou des endroits à risque élevé de pénurie d’eau; l’efficacité hydrique est un outil de marketing puissant constaté par les marques. Bien qu’il ne soit pas clair si les consommateurs stimuleront l’efficacité, les marques se concentrent sur la réduction d’eau absolue. En effet, selon Unilever, actuellement 33 % des consommateurs choisissent d’acheter des marques en fonction de leur impact social et environnemental. Une observation que d’autres entreprises comme Kimberly-Clark (K-C), Georgia-Pacific (GP), et Procter & Gamble (P&G) remarquent également. En fait, 2016 était la première année que K-C a mise en œuvre son stratégie de durabilité 2022, qui comprenait des objectifs comme la réduction des gaz à effet de serre grâce à des initiatives de conservation d’eau et d’énergie. De même, depuis 2009 GP a traqué leurs émissions de gaz, leurs rejets d’effluents et leur consommation d’eau et ils affichent le niveau de réduction dans leurs rapports annuels. Enfin, P&G a établi plusieurs objectifs durables pour l’année 2020, y compris l’objectif 1 ‘’ Réduire d’ici 2020, de 20 % par unité de production, la consommation d’eau dans les usines de fabrication de P&G, en mettant l’accent particulièrement sur les efforts de conservation dans les installations situées dans les régions touchées par le stress hydrique.’’

Un long chemin reste à parcourir pour que l’industrie atteint l’objectif 2020 de l’American Forest & Paper Association (AF & PA) en matière de la consommation d’eau. Mais des progrès sont réalisés pour atteindre l’objectif de réduction de 12 % établi par l’association pour les usines de pâtes et papiers de leurs membres (de 2005 à 2020), des signes de progrès sont en effet apparents avec les nouvelles installations nord-américaines pour la fabrication de tissues utilisant moins d’eau que leurs précédents. En fin de compte, réduire la consommation d’eau (conformément à la performance des produits) sera toujours une bonne « idée » car elle permet d’économiser d’énergie, des produits chimiques et même l’investissements en capital. Donc, la conservation de l’eau est un smart business et un choix économique indépendamment de l’intérêt que porte l’usine sur le développement durable. Toutefois, pour les usines situées dans des régions touchées par des pénuries d’eau ou les entreprises qui desservent des marchés ayant des consommateurs conscients, l’intérêt est de garder une longueur d’avance en devenant écologique.


Retour

La gestion de l’eau dans les usines de papier